PARIS - BRUXELLES. Il y a les unes de Charlie et il y a Charlie à la une.
On se souvient tous de l'attentat contre Charlie Hebdo. Ha oui? Qui pourrait me donner la date exacte de ce jour funeste?... C'était le 7 janvier 2015!
Le lieu du drame?... c'est plus facile, c'était à Paris, effectivement.
La une de Charlie la semaine du 7 janvier? Ha ha! "Les prédictions du mage Houellebeck".
Peu après le drame, l'hebdomadaire a bénéficier d'un élan de sympathie comme on en avait jamais vu. Près de 2 millions de personnes et un paquet de chefs d'Etats ont défilé le 11 janvier de la Place de la République à jusqu'à la Place de la Nation. Voilà pour les informations officielles. On peut donc passer aux choses sérieuses.
Il y eut la une du 14 janvier. A bien la regarder c'était presqu'une image pieuse, en tous cas une image pleureuse. Pas l'ombre d'une fesse à l'air ou d'un couteau sanguignolant. Pour une fois qu'il ne coupait pas de cou ou de couille, on lui pardonnait tout à ce canard. Toutes ses unes salaces, profanatrices et sacrilèges, toutes ces caricatures choquantes et perverses toutes ces féroces et sordides boucheries. C'était comme la rémission de tous ses péchés, le pardon de Dieu miséricordieux.
Oui, on ne se refait pas. la toute grande majorité des gens préfère quand même les images miniardes et bonne enfant, les pastels de la Bastille et les aquarelles des bords de Seine...
C'est bien simples, les ventes de ce numéro on grimpé à 3 millions d'exemplaires contre 60.000 habituellement. Les abonnés eux sont passés de 10.000 à 220.000. Du jamais vu dans la presse française, un boum phénoménal identique à celui des ventes post-attentats de tranquillisants.
Mais pour lire Charlie Hebdo, il n'y a que trois possibilités. Soit, c'est la feuille de chevet de l'inconditionnel, dont on se demande si les insomnies ne sont pas dues précisément à la lecture de ce canard. C'est souvent le cas de l'intellectuel émancipé ex-soixante-huitard et un peu gauchisant, une espèce qui, comme d'autres est malheureusement en voie de disparition. Soit on le reçoit d'une connaissance qui en a terminé, c'est la formule économique. Soit il s'agit d'un acte inconsidéré, compulsif et délirant, résultant d'un pathos circonstancié ou de circonstances pathologiques.
Or ce qui s'est passé au lendemain de l'attentat, relève évidemment de la troisième hypothèse. Je n'en veux pour preuve que la chute vertigineuse des ventes trois mois plus tard, lorsque la majorité de la population a repris ses esprits, son bon sens habituel et sa légendaire aversion pour les images grinçantes au goût douteux.
Il est vrai que Charlie lui même avait repris ses mauvaises habitudes. Ses caricatures étaient repassées au rouge, avec leur lot de grosses fesses et de bains de sang, enfin tout le bataclan.
Et alors que, même la Belgique lui avait réservé 80.000 numéros et une ovation délirante, bardaf, l'engouement d'hier est retombé tel un soufflé sorti du four.
Surtout, surtout, et c'était la connerie à ne pas commettre, lorsque Charlie a consacré sa une aux attentats de Bruxelles avec Stromae en figure de proue. Là, c'en était trop. Attaqué à la fois sur son territoire et dans son cœur, le belge a dit: c'est fini, je ne suis plus Charlie.
Pourtant, ceux qui le connaissent le savent. C'est vraiment ça le vrai visage de Charlie Hebdo et depuis toujours. On aime ou on aime pas et c'est pareil pour les nos fidèles frères musulmans qui n'apprécie pas qu'on se moque de leur Maestro barbu. Mais là encore, chacun ses goûts.
En sourdine: si des lecteurs nous ont fait quelques infidélités en achetant le Charlie Hebdo du 14 janvier, qu'ils se rassurent: ici aussi, "tout est pardonné".
Et s'ils se sentent consternés ad hominem par cet article, qu'ils sachent enfin que, quoiqu'on fasse, en définitive, on est tous des charlots.