MONDE. Loin d'être absurde, "le mort / kilomètre" est une expression qu'on rencontre dans les salles de rédactions du monde entier. Non, bien sûr qu'on ne dit pas le "mort / kilomètre" en étranger. Aux States, sauf erreur, il doit s'appeler "the dead mile".
Cela faisait longtemps qu'il me démangeait un peu, celui-là. J'ai donc décidé d'approfondir son cas. Parce qu'il ne faut jamais laisser un problème trop longtemps en suspend.
Je suppose qu'on en connaît la signification dans ses grandes lignes. Si ce n'est pas le cas, je précise. En matière d'audience et de pertinence sur l'échelle de l'actualité, cela signifie qu'en Belgique, un mort à Bruxelles, suite à un attentat en vaut dix à Istambul en Turquie, et cent à Mazâr-e Charîf en Afghanistan.
Et la question se pose, comment se fait-il qu'il faille dix ou cent victimes à l'étranger pour capter l'attention comme le fait une seule en Belgique. La réponse est aussi abrupte que la question et que la réalité qu'elle recouvre: Quand l'attentat se produit "not in my backyard" on n'est pas concerné. En plus, c'est un principe fondamental en économie, ce qui est rare a de la valeur. En l'occurrence, la victime seule est plus rare que la dizaine ou centaine apparue à Outsiplou-La-Lointaine. Et qu'on le veuille ou non il est parfaitement exact que les victimes d'attentats sont beaucoup plus nombreuses ailleurs que dans notre beau pays.
Bon sang! Ce principe d'économie est une valeur sûre, vous pouvez l'appliquer à une quantité de sujets.
Sortons deux minutes du royaume des morts pour une légère marche arrière et entrer dans celui des vieux. Là aussi, c'est le même phénomène qui est à l'oeuvre. Autrefois, les vieux étaient rares, ils ne vivaient pas autant. C'était avant le papi boom. A l'inverse les enfants étaient nombreux par manque de pilule et de condoms. C'était déjà le baby boom. Or, que constate-t-on? C'est qu'au temps des parents rares et qui ont donc de la valeur, ceux-ci étaient choyés, accueillis, recueillis à la maison, hébergés gratis jusqu'à la fin de leurs jours. Aujourd'hui, qu'ils sont trop nombreux, on s'en débarrasse dans des homes infâmes chers et vilains.
A l'inverse, les enfants qui, autrefois ne faisaient l'objet d'aucune attention particulière, car trop abondants pour que cela soit possible, jouissent à présent qu'il se raréfie d'un retour de balancier favorable. Ils sont devenus des perles rares, précieux comme des diamants, comme la prunelle de nos yeux, les yeux de la tête, la peau des fesses, etc...
Mais, je m'égare. Revenons à nos mouftis et à ceux qu'ils envoient dans l'au-delà. Revenons au "mort / kilomètre" qui n'a sans doute pas d'équivalent, sauf peut-être le "mort / mois" ou "le mort / année", pour lequel la distance n'est plus d'ordre géographique mais temporelle. On en parle moins de celui-là, c'est sans doute parce que nous avons la mémoire courte.
Mais, quand on combine les deux, on découvre toute la partialité de cette actualité malsaine, toute l'horreur de son iniquité perverse. Voyez le cas des naufrages quasi quotidiens en Méditerranée et en mer Egée. Le mercredi 20 avril, il y eut sur une seule nuit environ 500 morts noyés.
Il est vrai que, par rapport à la bombe éclatante ou à la ceinture d'explosif, le naufrage apparaît comme un pétard mouillé, mais ce sont aussi des victimes innocentes, que je sache. Avec nos 32 personnes à Bruxelles, on est très loin du compte. Et quand on sait que pour l'année 2015, il y eut 3.700 disparus en mer,.. pile 3.700? non évidemment, mais à peu près car on ne les compte plus à l'unité comme chez nous, là, on arrondit.
Je signale quand même que le Titanic a fait moitié moins fort avec seulement 1.490 passagers au fond de l'océan. Et je me pose la question: Di Caprio sera-t-il disposé à jouer dans un remake de ces nouvelles chaloupes oubliées de ces Radeaux de la Méduse contemporains?
On m'excusera ou non, mais je ne sais plus m'épancher sur les atrocités qu'on nous relate à grand coup de pathos et d'émissions en prime time. Je n'ai plus de larmes à verser, je suis à sec comme une trique. L'audience souveraine m'écoeure et les mots me manquent quand on en arrive à ce point "de deux morts, deux mesures".
Moi, qui me suis laissé bercé et berné par ceux qui nous disait que le monde était devenu un village! Quelle ineptie! Le monde un village! Et pourquoi pas prétendre que tous les hommes sont frères, libres et égaux?
Alors que vient faire ce sujet dans la rubrique météo? Rien. Sinon que j'ai pensé un moment rédiger un article qui parlerait des beauforts au large et de la météo des plages. Mais cela m'est apparu tellement déplacé, comme tous ces pauvres gens se jetant à la mer, que je n'ai pu m'y résoudre.