On peut reprocher beaucoup de choses à la voiture et principalement, un grand nombre de nuisances. Mais on doit lui reconnaître une vertu remarquable et qu’elle est peut-être seule a posséder: lorsqu’on ne sait plus quoi dire, quoi médire ou quoi écrire, elle nous sauve toujours de la page blanche. La voiture bien que, contre nature, est par culture un sujet intarissable. C’est vraisemblablement pour cela qu'elle vit encore, car au regard de ses méfaits avérés et en bonne logique, il y a belle lurette qu’elle aurait dû disparaître de la surface du globe. Mais non, elle est toujours là, objet de culte, présente aux grands-messes des salons de l’auto, sujet de reportages divers et d’émissions télévisées, pratiquante invétérée de communication publicitaire et de spots TV.
 
N’ayant rien trouvé à me mettre sous la plume en matière de pub ce mois-ci, c’est donc tout naturellement que je me suis tourné vers celles de cet objet mythique, sans tête et doté de quatre roues.
 
L’entré en matière, ci-dessus, a sa raison d’être, et lorsqu’on évoque les nuisances de l’automobile, il y a bien sûr la pollution et la congestion qu’elle provoque sur nos routes et dans nos villes. Elle sont dues au phénomène bien connu de la surpopulation, celle des humains qui va de soi, mais aussi et par voie de conséquence celle des autos.
Nous savons qu’en matière de publicité plus un objet est inutile, non pertinent voire nocif ou dangereux pour certains, plus l’image qu’on en donnera fera appelle au rêve, à l’imagination, à la féérie, et plus cette image s’écartera de la réalité ou de la vérité, si elle existe. Cette assertion se vérifie particulièrement pour les produits aussi futiles que les parfums, les bijoux, les objets de luxe, d’un côté, et, les alcools, le tabac, la voiture, etc... de l’autre.
Nous avons tous en tête un spot pour un parfum Dior ou Givenchy qui passe en période de fêtes, une annonce pour une montre Rolex ou Tag Heuer qui passe dans l’Eventail ou Le Figaro. On se rappellera, même s’il date un peu, du viril cowboy Malboroesque, libre comme l’air, chevauchant son Jolly Jumper au confins de la Vallée de la Mort et qui passait sur les écrans du 7ème art. Il fut victime de son succès, c’est-à-dire, d’un trop grand nombre de pubs dans lesquels il déambulait cigarette au bec.
Déserts lointains et villes désertes, les décors décalés de nos folles bagnoles.
Mon selfie avec Téléphone
La voiture est l’autre exemple type qui brille par sa présence excessive. La multitude d’automobiles nous conduit aujourd’hui à l’immobilisme. Ça bouchonne partout. La vitesse moyenne des véhicules ne cessent de dégringoler. Et rien n’y fait; ni les SUV bourrés de chevaux suralimentés, ni les 4X4 turbo-compressés qui sont sensés passer partout et qui se multiplient à l’arrêt de façon virale.
 
Je me rappelle de la R4 et de la 2CV dont je n’ai, hélas, pas gardé de modèle pour montrer à mes petits enfants comment fonctionnait l’automobile à son âge d’or. Trois coups de manivelles suffisaient pour nous emmener de bon matin sur les chemins avec Paulette et les copains. Quelle époque merveilleuse et quelle allure. Pas de files, pas de pollution, pas de problème de parking. Oui, c’était un peu la liberté.
 
On pensera ce qu’on veut, enfin si on arrive encore à penser mais il en va de même avec les hommes. Plus il y a d’humains, moins il y a d'humanité.
L’homme est le dernier exemple qui pèche par sa surreprésentation. Et la masse humaine en perpétuelle augmentation pourrait bien nous plonger prochainement dans les affres de l’inhumanité. Ça surpopulationne à mort aux quatre coins du globe. La quantité d’individus croît de manière exponentielle malgré la pilule du lendemain et celle de la veille, malgré les préservatifs, malgré le sida et Ébola, malgré l’ozone et le dioxyde de carbone. Les hommes se reproduisent de manière métastatique. C'est très inquiétant.
Au fond, c’est peut-être pour ça que je n’ai pas de petits enfants. (1)
 
(1) En écho à Renaud et Lola:
Ben quoi Lola on est pas bien ensemble ?
Tu crois pas qu'on est déjà bien assez nombreux ?
T'entends pas ce bruit c'est le monde qui tremble
Sous les cris des enfants qui sont malheureux.
Il en va de même pour la publicité automobile sauf qu’elle passe tout le temps et partout contrairement au véhicule lui-même.
 
Comme toujours, pour comprendre les choses, il faut planter le décor et il est de deux types.
 
Le premier et le plus fréquente est celui des grands espaces lointains, où l’on ne va jamais ou presque, et où il n’y a personne. Que de spots publicitaires ont été tournés au fin fond de l’Ecosse inhabitée avec Nessie pour seul spectateur. Que de réclames réalisées dans la solitude des déserts américains aux routes infiniment droites. Il y en a même qui vont jusqu’à débarquer sur la lune…
 
Deuxième possibilité: si par hasard, elle s’aventure en ville, comme la Jeep Renagade ou la Nissan Qashqay, on ne sait par quel miracle, la voiture se retrouve seule dans une cité inhabitée et sans trafic. Là, on vit un véritable délire onirique, comme après une soudaine pandémie planétaire qui nous laisserait dans un monde post-apocalyptique mais intact, libéré de l’humanité et de sa pollution. Il est évident que dans ces conditions, la voiture peut redevenir un plaisir et rouler sans limitation, une petite liberté.
Cerise sur le capot, on constatera avec amusement que, généralement, les voitures tout-terrain roulent en villes et les citadines dans la nature sauvage.
 
Oui, elle est étonnante notre voiture. Elle nous offre un monde merveilleux d’images et de concepts inversement réels à son objet, une imposture authentique, une vraie contradiction, un contresens certain. Mais voilà, c’est en cela qu’elle nous ressemble et c’est sans doute pour cette raison qu’on l’aime tant.
Les moyens et les fins
Propos eschatologiques et non scatologiques
ICI ET MAINTENANT. Il n’y a pas a dire, plus les moyens de communication se développent, plus il devient difficile d’entrer en relation avec son interlocuteur.
 
On en a tous fait l’expérience. Pour joindre un service dans une administration ou une personne dans une société, c’est devenu l’enfer, la croix et le hashtag, le carré de l’hypothèse ténue, la chimère médiatique, le mirage de la modernité, l’acmé de la contradiction contemporaine.
Quand ce n’est pas une voix pré-enregistrée qui décroche, c’est une boîte vocale abrupte et cassante, ou une messagerie rosse qui répond. Elle vous propose 50 nuances de grilles, de choix, de possibilités qui n’aboutissent le plus souvent qu’à rappeler plus tard. Les statistiques en matière de communication sont d’ailleurs édifiantes. Les temps d’attentes s’allongent de manière intempestive et la bonne humeur au bout du fil en prend un coup. Le seul gagnant de la mésaventure étant bien sûr, l’opérateur.
La chose est tellement vrai qu’une loi a été votée pour obliger certains services à répondre dans des délais inférieurs à ceux de Pâques ou de la Trinité.
 
Je me rappelle du téléphone noir à cadran rotatif dont j’ai gardé un modèle authentique pour montrer un jour à mes petits enfants comment fonctionnait la communication à son âge d’or. Trois sonneries suffisaient pour amener une personne amène à décrocher et à vous répondre gentiment. Quelle époque magnifique et quel service. Pas de roaming, pas une heure d’attente, pas de questions à choix multiples mais des réponses immédiates.
 
On dira ce qu’on veut, enfin, si on arrive encore à le dire, mais il en va de même dans tous les secteurs de la communication: plus il y a de moyens, moins ça fonctionne.
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JUIN 2017