BOUFFE. En matière de bio, il faudrait être beaucoup plus ferme. Car aujourd'hui, le bio c’est bien et c’est pas bien.
Soyons clair. Il est évident qu’on ne va pas remettre en cause un mode de production plus respectueux de la nature et de l’environnement ni les produits qui en résultent et qui sont, seraient, seront - l'avenir nous le dira - meilleurs pour la santé. Ce dernier point pourrait d’ailleurs faire l’objet d’une réflexion annexe, à savoir: est-il vraiment pertinent d’améliorer la santé et donc l’espérance de vie dans un monde en voie de surpopulation et de surpollution? Mais soit.
Sans remettre en cause le principe fondateur du bio et les améliorations qu’il peut induire, il faut bien reconnaître que dans l’état actuel de son développement, il n’a pas que des vertus.
D’abord, il ne change en rien les fondements de la consommation, la diversification de l’offre étant à la base de celle-ci et de son expansion. Avec d’un côté des produits conventionnels et de l’autre des produits bios, on ne sort pas de la logique commerciale et du marketing offrant des objets bas de gamme et haut de gamme en fonction du pouvoir d’achat. On reste dans le scénario classique qui met sur le marché la petite voiture pour certains et la bagnole de standing pour ceux qui en ont les moyens. On ne sort pas non plus, quoiqu’on en pense, de la valorisation par l’image symbolique liée au produit acheté.
Le cas des œufs est édifiants. Ceux qui sont pondus hors sol par une pauvre poule travaillant dans un HLM, sont moitié moins chers que ceux d’une poule de luxe vivant dans une villa ou un rez-de-chaussée avec jardin. Et, évidemment, ce qui se passe du côté de la production se repasse du côté de la consommation.
Si rien ne change, on continuera à entretenir des inégalités, principe essentiel du système de la consommation. Plus grave, si certains peuvent se permettre du bio et d’autres non, avec l’impact que cela peut avoir sur la santé, on retombe dans une discrimination sociale mettant en jeu l’espérance de vie. Une situation existant dans l’accessibilité des uns et des autres aux soins de santé.
Comment sortir de cette impasse? Certainement pas en jouant le jeu de la concurrence ou de la consommation puisqu’elle fonctionne sur les clivages et les différences sociologiques, et que, plus fondamentalement, elle est à l’origine du problème. C’est le développement de la consommation qui a poussé à la production intensive avec tous ses excès.
Si on ne peut pas faire confiance à la "main invisible" de la consommation, à qui ou à quoi le peut-on… Je vous laisse sur cette interrogation car je n'ai pas la réponse.
Une piste cependant: dans notre pays comme dans d’autres, il y a des produits réglementés qui ne sont pas soumis à la concurrence ou très modérément. Ils ont un prix unique, à peu près fixe. Peut-être qu’un jour, il faudra ranger l’alimentation dans ce canevas et obliger une forme de production avec des normes strictes. Cela aura sans doute un coût pour la société et un coup que risque de prendre aussi une certaine forme de liberté.