Pour être clair et net, rien ne me semble plus mystérieux que cette volonté de transparence tant réclamée par la doxa et les temps actuels. L’eau clair c’est bien mais les bières troubles quel régal!
Et au fond, ce n’est pas tant la volonté que la transparence elle même qui pose problème. Imaginez que tout soit transparent sans aucune opacité, aucune aspérité ou irrégularité pour retenir et accrocher le regard, l’interrogation et la réflexion. Bigre, cela fait frid dans le dos et confine à l’expression du vide, de la vacance voire du néant. Et dans ce cas on pourrait dire comme Pascal: "la transparence infernale de ces affaires infinies m’effraie". Si tout est transparent, alors, circulez, il n’y a plus rien à voir et à savoir, plus rien à dénicher, à remuer, à rapporter…
A-t-on bien mesurer les conséquences de cette possibilité quasi improbable?
Combien de journalistes privés de leurs terrains d’investigation se retrouveraient au chômage? Combien de parlementaires en manque de commissions d’enquêtes recommenceraient à se tourner les pouces et à s’assoupir dans ces immenses hémicycles si peu populaires?
Pense-t-on à tous ces journaux télévisés qui, de rebondissements en rebondissements, nous tenaient en haleine sur des charbons ardents, et qui retrouverait leur monotonie affreusement quotidienne faite de propos insignifiants et de bobards assommants.
Et puis, sur qui pourrait-on déverser notre fiel venimeux, notre indignation crasse, notre écœurement dégoûté et notre dégoût écœuré. Car enfin, il ne faudrait pas oublier tout l’effet bénéfique qu’apporte à nos citoyens, cette belle catharsis et l’exutoire des pulsions. Il ne fait aucun doute que la transparence, ce serait la fin du spectacle et la vie ne serait plus un théâtre. Est-on bien sûr de vouloir cette extrémité, cette triste fin, ce baisser de rideaux regrettable? Ce serait une première et une véritable aventure, car qui peut se targuer d’avoir vu la réalité en face, les yeux dans le blanc des yeux et la transparence du cristallin?