PANAMA CITY. OK mais c'est pas vraiment nouveau tout ça. On sait depuis toujours que les riches et les puissants planquent leur valises bourrées dans des paradis visqueux. Rien de neuf sous le soleil des tropiques, des iles qui n'ont de Vierges que le nom ou des Anglo-Normandes. On n'ignore pas que toutes ces banques honorables avec leurs onéreux fiscalistes ont des façons de faire identiques aux cartels de la drogue, organisations terroristes et autres machins mafieux. Criminels et friqués même combat, magnats et malfrats même combine.
Franchement, le Panama et ses fourberies sont bien connus. Ce qui l'est moins, c'est la devise du pays: "Pour le plus grand bien du monde". Il faut oser quand même. Et puis y a l'autre, la devise monétaire. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, la monnaie locale n'est pas le Lingot mais bien le Balboa, comme Rocky.
Cela dit, il y a une belle ribambelle de banques et une belle troupe de branques dans ce cirque d'enfer. Alexandre Bouglione peut aller se rhabiller. Et stupeur, parmi les nominés, on trouve le bon, le doux, le gentil, Franco Dragon. Franco! On lui aurait donné la BCE sans confession. Franco, notre sympa Louviérois à l'accent du terroir si chaleureux! lui un acrobate de la resquille? Franco, à ranger dans le même sac juteux que Poutine? Poutine le dur, l'homme de glace, le féroce gardien du temple russe... ça jette un sérieux froid sur ce sable brûlant d'outre-mer.
Ensuite, dans le paquet qu'on nous a servi, il y a plus de 700 belges avisés qui estiment que notre pays n'est pas un vrai paradis fiscal. C'est une belle pub. Elle restaure un peu l'image ternie par les attentats. Mais dès lors, est-ce que nos centaines d'exilés français, depuis Depardieu à Néchin jusqu'au Tapie à Uccle, ne vont-ils pas décider de mettre la clé sous la porte pour Colón ou El Coco, deux charmantes bourgades panaméennes, en privant du même coup nos communes de substantielles rentrées d'impôts? Nous vivons à l'heure des exilés et des migrants. Nul ne sait où et quand ils s'arrêteront.
Après ça, osera-t-on encore poursuivre la chasse au chômeur qui tente vaille que vaille de gagner quelques euros en black pour pouvoir s'offrir, non pas des huîtres ou du caviar mais un simple Burgerking bien gras ou un Poulicroc piquant.
La traque au noir continuera-t-elle quand, délibérément, on ne fait rien pour arrêter le blanchiment. Gare à l'insurrection!
Dans notre éternelle candeur, nous espérons que, cette fois-ci, les choses vont bouger. Qu'enfin cette enquête "Papers" amènera nos dirigeants à prendre des mesures drastiques comme ils l'avaient promis lors des SuissLeaks, LuxLeaks et KBLeaks. Les Quoi? Ah oui, ces révélations sur les tripotages bancaires et les manigances argentées. C'était quand déjà? En 2015, 2014 et 2013... Ha bon! Et...? Et bien non, non, rien a changé. Tout, tout a continué. Yéyé. Les Poppys.
Ce dont on pourrait s'étonner, c'est qu'aucune justice au monde, aucun Interpol digne de ce nom ne soit arrivé à l'ombre d'un dixième de résultat auxquel ont abouti des journalistes. Mais, est-ce vraiment une surprise? Dans la mesure ou le pouvoir et l'argent font la course ensemble, copains comme cochons, pourquoi se tireraient-ils dans les pattes?
Il faut dire que ces journalistes sont de vrais pros et on appréciera tout particulièrement la bonne idée qui consiste à nous distiller les infos au compte-goutte. Puisque de toute façon rien ne changera, faisons durer le plaisir. Profitons de ces révélations délicieuses qui poussent déjà un premier ministre à la démission... Il déguste aussi, lui qui avait été élu pour son programme annoncé contre la corruption.
J'attends la suite avec une impatience non dissimulée et une délectation anticipée. D'ici là, une chose est sûre: moi, je n'irai plus voir un film d'Almodovar, je ne regarderai plus un seul match de Lionel Messi, je n'irai pas en vacances chez le roi du Maroc, je ne prendrai pas le thé avec David Cameron père, et je ne déposerai aucun kopeck à la Deutsche Bank. Na! c'est tout ce que je peux faire mais ça je le ferai.
Et puis, comme j'aurai beaucoup de temps libre, je lirai enfin Le Capital de Marx en savourant un Mars ou un Bounty... ce sera paradisiaque.
"Oh Oh, Luc, ne déballe pas trop vite. Sais-tu que Mars et Bounty appartiennent à la société Mars Incorporate qui produit aussi M&M's, Twix, Milky Way, Snickers, Balisto, Uncle Ben's, Suzy Wan, Miracoli, Freedent et encore Pedigree, Whiskas, Royal Canin, Sheba, Cesar et Kitekat... pour ne citer que les plus vendus. C'est le top de la multinationale, l'oligopole de pointe dans sa forme la plus inquiétante. Alors, penses-tu que monsieur Paul Michaels, son PDG et la famille Mars, sa propriétaire, sont blancs comme neige et qu'ils n'auraient pas à rendre quelques petits comptes offshore?"
Oui bon d'accord. Mais mon article était terminé et moi je ne suis pas un vrai journaliste.