La périodicité de Li Monde, sa mensualité, n’est pas favorables à l’immédiateté et à tout ce qui en découle. Impossible par exemple de vous souhaiter un bon anniversaire si vous n’êtes pas né le premier du mois. Et je profite de l’occasion pour le faire à l’attention de tous ceux qui eurent le bon goût de venir au monde un premier mars. Félicitations, c’est bien, en tout cas mieux qu’un premier avril. Mais, excepté à la nouvelle année qui intervient à la date que l’on sait, les autres possibilités de compliments ou de bons souhaits sont extrêmement rares et très aléatoires. Heureusement, toute faille a son avers et le mensuel offre un peu de temps pour une réflexion plus profonde et plus sérieuse, temps et réflexions faisant aujourd’hui sacrément défaut.
Ainsi, nous venons juste de sortir des affres de la Saint-Valentin. C’est l’occasion rêvée de prendre du recul et de se pencher, même si cela semble contradictoire, sur ce qu’est devenu cette fête du 14 février que rien ne relie à celle du 14 juillet.
S’il fut une époque dorée pour les amoureux, un temps romantique et magnifique, en d’autres mots, les vertes années de l’amour, ce fut celle des bancs publics, bancs publics. Lorsque les tourtereaux se tenaient par la patte et se becquetaient sous le regard oblique des passants honnêtes. Car ils étaient là, présents l’un à l’autre, ensemble et face à face. Quel beau tableau que celui de ces longs moments passez à deux, à tirer des plans sur la comète ou des plombs sur la commère qui passe, à comptabiliser les mesures du papier bleu azur de la chambre à coucher, etc…, etc…
Cette période idyllique des bancs publics, bancs publics, est sur le point de disparaître et cela pour deux raisons majeures.
Primo, vous l’aurez remarqué, les bancs publics à l’image des toilettes publiques se font de plus en plus rares, engendrant parfois des situations bien gênantes. Et secundo, il y a l’iPhone 7 qui vient de sortir. En tout cas, c’est ce que tente de nous enfoncer dans la tête la dernière mauvaise idée d’Apple, une publicité que nous avons reçue par mail. Comme on peut le constater avec ce fabricant d’onde nocives, le slogan cette fois-ci ne fait pas dans le détail de la dentelle. Il faut être un peu culotté pour envoyer ce "Offrez de l’amour". C’est très beau mais dans le cas qui nous occupe, il s’agit encore de la manifestation patente d’un processus à l’oeuvre depuis quelques décennies déjà et qui consiste en la matérialisation de toutes choses fussent elles immatérielles. Ainsi l’amour devient un objet d’amour, les sentiments se transforment en smartphone, les "je t’aime" en tablette, etc…
Peu importe que vous soyez conquis par Samsung ou séduit par Apple dont la pomme mordue rappelle l’origine du désir que l’on peut dater grâce au carbone 14, date du jour de la Saint-Valentin, et qui remonte à l’âge d’un hypothétique paradis terrestre pour lequel, nulle part, il est fait mention de bancs publics, bancs publics.