Ci-contre, l'Abbé Pierre au carnaval
de Pantin
Ci-dessous, un article de Li Monde paru en mars 1993 dans "Le Télécon", une rubrique équivalente
à notre page Mediums mais uniquement consacrée aux inepties télévisuelles.
Bref, on a rien trouver de mieux que de divertir la galerie pour compatir avec tous ceux qui galèrent. Bien sûr, il faut des sous pour combattre les souffre-douleurs et l'argent est le nerf de la guerre; c'est pourquoi le FMI n'en finit pas de faire de la misère. Tout ça nous promet de belles soirées festives d'un côté, et des grands lendemains qui déchantent de l'autre. Est-ce là le moteur de l'histoire duale qui s'installe ou n'en est-ce que la conséquence? En tout cas, au rythme où elle s'emballe, il faut s'attendre au meilleur du pire.
Un de ces quatre, à la sortie des grandes surfaces surfaites et pour aider les affamés du quartier, on vendra du caviar à une tranche de gens gras tout replets de solidarité humaine. Qui sait? on leur proposera, peut-être, de faire un petit effort supplémentaire en achetant une troisième résidence secondaire sur la côte d'Azur dont les bénéfices iront aux SDF de leur rue.
Il n'y a pas de doute, l'avenir sera grandiose, haut en couleurs, tout en rose et noir comme jadis. Le présent n'est déjà pas mal foutu et les élucubrations téléconiennes de Li Monde ne sont rien à côté de la réalité qui l'inspire et de ce dernier exemple authentique. En 1989, au sommet de l'Arche de la Défonse à Paris, symbole de la haute finance internationale, se tenait une exposition des plus belles photos sur la misère des peuples. Un buffet somptueux était offert par la Fondation des Droits de l'Homme et les invités d'honneur eurent droit au vernissage de la souffrance universelle dans le champagne et le caviar.
Li Monde, mars 1993
Ce mois-ci, nous avons eu droit au Télévie, ce téléthon orchestré par RTL-TVI, une filiale de la CLT, grosse boîte multinationale dont le chiffre d'affaires ne saurait être affiché sur un petit écran. Le Télécon de Li Monde se devait de rendre hommage à ce genre d'émission marathon à laquelle notre rubrique doit son nom. Et puis surtout, nous ne pouvions rester insensibles à tout ce charlatanisme charitabiliste qui déferle sur les ondes, ni à ce merveilleux stratagème qui consiste à prendre la misère ou la maladie en otage pour faire de l'audience.
La vraie misère, c'est que la vie d'une station télé dépend de l'audimat. Et lorsque celui-ci grimpe avec celle-là, on peut se demander s'il n'y a pas comme un cirque vicieux. Car en bonne logique commerciale, on ne scie pas l'antenne, fut-elle pourrie, sur laquelle on est perché, de même qu'on ne crache pas dans la soupe populaire du pauvre qui vous nourrit. Nous savons que cette façon de voir les choses est immonde mais Li Monde n'y est pour rien.
Nous pensons que le problème provient de l'inadéquation entre le but et la manière de l'atteindre. Voyez par vous même, partout, la fin incrimine les moyens. Ici, on nous propose de fastueux galas au profit de la faim dans le monde. Là, on nous refile des modules inutilement nuls pour procurer des manches de pelles aux Iles de paix. Plus loin, on s'égosille aux concerts de Wembley pour décrier les horreurs du monde. Tantôt, on va s'éclater au bar de la Culture pour soutenir le massacre de Sarajevo. Enfin, On est à deux doigt de s'envoyer en l'air pour financer la lutte contre le sida. Et même MSF nous amuse avec ses Mikados Sans Frontières.
Mangez du caviar pour nos pauvres