BELGIQUE - FRANCE. En général, les grandes grèves grisantes et les mégas manifestations ont lieu au mois de mai. C'est la coutume. Mais avec le retard qui caractérise les saisons, on s'en farcit aussi en juin. Cette année, on peut dire que l'atmosphère a chauffé d'enfer en Belgique et en France. Heureusement que la météo était là pour combattre un peu l'incendie.
Avec les traditionnelles palettes brûlées et les barbecues routiers improvisés, nous avons assisté à un déluge de pluie sur des marées humaines protestantes et manifestives. Une semaine complète de grèves, on avait plus vu cela chez nous depuis 1986. Oui, 30 ans déjà!
Pendant plusieurs jours, Bruxelles fut une planète rouge avec des petits hommes verts. Les transports en commun, dont on se demande pourquoi on les appelle encore des services publiques, sont restés cloués aux dépôts. Le tec dont la caractéristique la plus remarquable, comme ce bois qui ne bouge pas, n'a pas failli à sa réputation.
Goblet était bien remonté et fidèle à son habitude, il n'a pas manqué de se mettre à dos une nouvelle tranche de la population. Cette fois-ci, ce fut les étudiants. C'est fou comme certains sont doués pour se tirer des balles le pied. Non vraiment, ce n'est pas très intelligent quand il faut marcher des heures avec des dépravés dans des rues qu'on va dépaver.
Après les grèves carcérales des gardiens de prisons, il y eut les grèves magistrales des juges et consorts. Il semble que personne ne soit content de son sort peu, importe le côté du barreau où l'on se trouve. En d'autres mots: "Geen kans met Koen Geens."
Evidemment, la grève des chats fourrés a fait moins d'échauffourées que celles des prolos et des employés du rail. Ici, pas de barrières Nadar jetées dans les vitrines, pas de cocktails Molotov, pas l'ombre d'un hooligan masqué. Cela peut se comprendre dans la mesure où ils sont moins nombreux et qu'ils ne peuvent pas être à la fois juges et parties. Mais l'événement est quand même remarquable car ce n'est pas tous les jours que le glaive et la balance déposent les armes.
Nos voisins et amis français ont quant à eux grimpé d'un échelon sur l'échelle de l'action sociale revendicative. Il faut reconnaître qu'ils sont encore plus créatifs et plus efficaces que les wallons quand il s'agit de se tourner les pouces et d'ennuyer leurs congénères en les privants de produits ou services quelconques. On connaissait déjà le blocage de l'approvisionnement en carburant des stations service mais l'innovation la plus marquante de ce mois de juin fut la prise de contrôle et la mise à l'arrêt de centrales nucléaires. Lorsqu'on sait que la France est une inconditionnelle de l'atome, puisqu'il représente 76% de son approvisionnement énergétique, soit plus que n'importe quel pays au monde, on s'accorde pour reconnaître que cette action bien ciblée est tout a fait pertinente.
Et si la France aime tant les électrons chocs, c'est parce qu'elle aime bien EDF et Areva,... et aussi la petite bombe qui en découle, laquelle, pour faire court, sort toujours de ces belles centrales plutonomiques.
Personnellement, je l'ai toujours dit, la meilleur façon de mettre un pays par terre, est de s'en prendre à son électricité, puisqu'aujourd'hui, plus rien ne fonctionne sans elle. Je le répète à l'attention des apprentis terroristes, l'avenir passera par là et je reste étonné qu'a ce jours, aucun attentat nucléaire n'ait encore eu lieu. Pour moi, il est atypique qu'on délaisse l'atomique. Cela prouve l'étroitesse d'esprit et d'imagination de ces groupuscules tout juste bon à se faire sauter pour que dalle, et quand je dis que dalle, c'est non seulement sur le plan des rentrées financières, mais aussi et surtout, sur celui des résultats. Je trouve cela affligeant dans une époque qui met à l'honneur le mérite, les compétences et la valorisation par le travail bien fait.
Beaucoup de mécontentement donc chez tous ceux qui travaillent, depuis les étudiants jusqu'aux magistrats. Il n'y a que les pensionnés qui semblent heureux de leur situation et qui restent tranquillement chez eux. C'est qu'ils sont probablement les mieux lotis du cheptel. On comprend que nos vieux soient si souvent positifs et optimistes. Ils ont toutes les raisons de l'être puisqu'ils ne sont plus confrontés à ce monde du travail qui se déglingue et qui se burnoutise à outrance. Mais pour les actifs, pardon! Ils doivent se mettre de grandes œillères ou adopter la méthode Coué pour se dire que tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil et qu'il n'y a pas lieu de dire ce qu'on pense.
Finalement, j'en arrive à raisonner comme Coluche: d'abord, "le travail, y en a pas beaucoup, il faut le laisser à ceux qui aiment ça" et ensuite, "le travail est bien une maladie puisqu'il existe une médecine du travail". Je ne cours pas les rues pour prendre le pouls ni les poux de la population mais rien qu'autour de moi, je dois constater que ceux qui ne bossent pas ou plus sont moins stressés, plus épanouis et plus confiants en l'avenir que les autres. Cela dit, consolons-nous, ces autres sont de moins en moins nombreux et rallient en grand nombre le troupeau des glandeurs. Voilà enfin une bonne nouvelle, un vrai "plus" comme on les aime.