"Monsieur Boulanger, que pensez-vous de cette entreprise déraisonnable et pratiquement perdue d'avance qui consiste à écorner une émission de prime time qui entend défendre le consommateur en mettant en valeur l'importance de bien consommer à l'instar d'un Test-Achats en légère baisse dans les sondages et dans les ventes?"
P-M Boulanger: "Eh bien: je dirais que si le concept de "société de consommation" ne fait plus recette, ce n’est pas parce qu’il n’est plus d’actualité. C’est peut-être, justement, qu’il est tellement intégré aux modes de vie et aux fondements même de l’ordre mondial, qu’il ne peut plus être mis à distance et en question". **
Merci monsieur Boulanger."
C'est clair non? Et j'ajouterai: on consomme et on cherche à consommer le moins mal possible dans la mesure où ce mode de vie est tellement entré dans les mœurs qu'on ne s'imagine même plus qu'une alternative puisse exister. Et cela suffit pour dire: plutôt que de nous foutre des émissions sur la consommation aux grandes heures de consommation, on ferait bien de nous en mettre d'autres, un peu moins systémiques et affligeantes, offrant des horizons différents avec un semblant d'idée indiquant que vivre c'est autre chose que consommer. Mais est-ce que cela est possible?
Et voilà pourquoi je m'en prends à ces pigeons; parce qu'avec leur émission, nous en demeurons malgré tout, et peut-être, plus que jamais. Alors qu'avec les gibbons, on peut grimacer sur tout ce qui se présente.
NDLR. D'un point de vue sémiologique et pour corroborer ce qui vient d'être dit, attardons nous un moment sur le logo de l'émission, puisqu'en terme de communication visuelle, le logo est censé donner du sens, véhiculer et exprimer le sujet qu'il représente.
Ce logo a pour support un code barre, lequel anime également tout le décor du studio.
Depuis toujours le graphisme du code barre me pose problème. Grâce à l'émission, j'ai compris pourquoi. Lorsqu'on l'agrandit et qu'il tapisse les murs, il ressemble furieusement aux barreaux d'une cellule dans laquelle on a le sentiment d'être enfermé. Et comme aujourd'hui toute la consommation est dépendante de ces lignes verticales, je ne serais pas étonné que cette consommation soit en fait une grande prison dont on ne peut plus sortir.
(1) Un lecteur d'avant garde nous a demandé: pourquoi des gibbons dans le titre et pas des bonobos. La question est évidemment pertinente tandis que la réponse est bêtement phonétique. En fait, le gibbon a un petit air de pigeon si nous pigeons le verlan. Et puis bon! dans gibbon il y a "bon", ce qui est bien. Il va de soi que nous n'avons rien contre les bonobos qui font partie de notre grande famille. Ils ont du bon aussi mais ils sont un peu trop bobos.