Dans un cas comme dans l'autre, il va falloir recycler ses habitudes écologiques. Ecologie oui. Nécrologie non; il y a quelque chose de désolant à l'idée de passer toutes les semaines au cimetière pour déposer son petit bouquet d'ordures. Après tout, la vie n'est pas forcément nulle sans bulles.
Li Monde, avril 1994
Ci-dessous, deux articles printaniers et primesautiers d'une époque pas si révolue que ça.
Il y a des signes qui ne trompent pas.
On savait que le recyclage des déchets battaient de l'aile, que la montagne d'ordures dont nous accouchons tous les jours ne pourrait trouver de solution malgré l'écologie écotaxante et malgré "Fost", le chef-d'oeuvre méphistophélien et concurrent de la grande distribution.
L'aveu de cette échec est tombé à Limelette au début du mois de mai. Depuis qu'elles existent, les bulles destinées au recyclage des vieux papiers, vieux verres et vieux plastiques, étaient situées dans le parking de l'école. C'était logique: l'école est aussi un lieu de recyclage avec ses cours du soirs, ses formations continues, etc... Ecole et bulles coexistaient donc dans un belle figure métaphorique puisqu'elles avaient toutes les deux pour fonction de mettre ou de remettre hommes et objets dans le circuit de l'emploi.
Mais voilà, depuis le 1er mai, jour du travail, les bulles ont été transférées dans le parking du cimetière. Or, s'il existe un endroit où l'on peut abandonner toute prétention au recyclage, c'est bien celui-là, sauf si l'on croit encore à la métempsycose.
Bref, ce petit transfert de site est lourd de contamination et la lecture qu'on peut en faire est ambivalente. Soit les déchets sont assimilés à des objets morts avec tout le respect qu'on doit aux chers disparus (ce qui est peu probable). Soit, la contagion gagne dans l'autre sens et ce sont les âmes défuntes qui passent au rang de simples déchets (ce qui semble inévitable).
Notre ministre des finances Philippe Maystadt est un fin stratège. Il a décidé de faire frapper les pièces de cinq et de vingt francs belges par une entreprise coréenne. La raison en est stupide de banalité: les coréens sont moins chers. Cette décision mettra onze personnes au chômage en Belgique mais ces gens-là ne dépendent pas du ministre sus-nommé, ils rentrent dans un autre portefeuille.
Outre le fait qu'une partie de la monnaie produite restera dans le pays asiatique en question (le travail y est moins cher mais pas gratuit), cette dénationalisation numismatique traduit, dans les faits, une sorte de délocalisation opérée par l'Etat lui-même.
La logique de cette opération mérite d'être poussée plus loin sous la forme d'une question qui vient immédiatement à l'esprit:
pourquoi ne ferait-on pas appel à des ministres coréens pour redresser l'état lamentables des finances belges? Ils seraient certainement moins chers, eux aussi.
Li Monde, mai 1994