Il est rare que l'on consulte une météo d'avant hier. Que nous importe les cumulus de jadis, les vents d'un temps révolu ou l'ensoleillement des heures perdues? Et pourtant, certaines météos sont un peu plus que l'expression des caprices du ciel et c'est parfois le cas, lorsqu'elle nous ramène les pieds sur terre. Et puis comme disait tonton Georges: " il est toujours joli le temps passé ".
Et nous voudrions rassurer tous ceux que la chose inquiète: braves gens, sachez que le bon vieux temps est pour demain. Comme en '36, vous découvrirez à nouveau les joies simples de la vie quotidienne, la lutte fatale pour le boulot, l'absence d'allocations familiales, l'inexistence de la pension et qui sait, peut-être même, retrouverez-vous le bonheur des premiers congés impayés.
Enfin, pour en terminer avec novembre et nous rafraîchir la mémoire, il était impossible de ne pas évoquer ce grand soir du mardi 29, cette espèce d'Apocalypse Snow, ce Thursday on Ice; un ravissement pour tous les amateurs d'embrouilles inextricables et d'énormes capharnaüms. De la neige sur de la grève, décidément, les éléments se conjuguent à merveille pour notre plus grand plaisir.
Prévisions.
La vérité de ce mardi blanc, c'est que sur le grand manteau neigeux, des individus ont découvert qu'ils avaient des voisins, des jambes et l'usage de la parole. On a même assisté à des coups de pouce et des coups de main, à des aides spontanées et des conversations impromptues. On a vu des petits faire des grands bonshommes et des grands bonhommes se marrer comme des marmots. Bref, on a retrouvé des gens qui avaient l'air d'eux-mêmes, pas des robots-types, pas des androspeedés ni des biostressés. Car "c'était un jour, messieurs, mesdames où la technique était en panne." Comme dans la chanson, c'est toujours dans les situations catastrophiques qu'on voit refleurir un brin d'humanité, un peu de dévouement et de bonne humeur. Alors, s'il faut croire les futurologues qui nous assurent que le chaos est pour demain, on peut résolument regarder l'avenir avec sérénité.
Ceci tient lieu de prévision optimiste.
Li Monde, décembre 1993
Bigre! il a fait bougrement frisquet en cette fin d'automne. On avait plus connu pareille glaciation avancée depuis belle lurette. D'ailleurs, la précocité du gel s'accompagnait d'un signe qui ne trompe pas: on a revu l'Abbé Pierre dès le mois novembre. C'est exceptionnellement tôt. D'habitude, ce barbu nous arrive vers la mi janvier, c'est-à-dire, bien après les deux autres, Saint Nicolas et le Père Noël. L'abbé Pierre souffre énormément de cette situation calendaire défavorable, car quand il passe, on a déjà donné à ses prédécesseurs qui présentent beaucoup mieux dans leur belle cape rouge bordée d'hermine. Ainsi, quand l'abbé sort, il est trop tard. Les fêtes ont fait leurs bonnes oeuvres, les bourses sont plates et les ventres replets. Alors le pauvre moine remet ses vieilles galoches, endosse sa grosse bure brune et reprend son bâton de pèlerin en guise de crosse. La hotte toujours vide, il vocifère dans la rue en dénonçant le froid de connard qui engonce les uns et l'excès foie de canard qui engraisse les autres. Mais voilà, ni Saint Nicolas, ni le Père Noël, ni François Dieu ne daignent prêter l'oreille au vieux bonhomme des neiges qui passe par intermittence lorsque l'anticyclone centré sur l'ex-URSS gonfle un peu. Résignés, les politichiens se sont fait à cette météo déplorable: s'il y a des SDF qui se les gèlent, c'est la faute à l'anticyclone et si l'abbé monte au créneau c'est que le thermomètre est descendu sous zéro. On a tous ses petits trucs pour expliquer le mauvais temps, qui sa grenouille qui sa girouette.
Cela dit, novembre 1993 fut exceptionnel à plus d'un titre. Outre le retour précoce de l'abbé Pierre, il y eut aussi d'importantes chute de grèves telles qu'on en avait plus vu depuis 1936. Il est donc faux de croire que le les saisons ont disparu ou que le temps n'est plus ce qu'il était. ......................